Nous continuons encore et toujours vers le sud, le long de la "Ruta 40" qui telle la légendaire route 66 des États-Unis, est un symbole et un emblème de l'Argentine. Elle parcourt onze provinces: Santa Cruz, Chubut, Río Negro, Neuquén, Mendoza, San Juan, La Rioja, Catamarca, Tucumán, Salta et Jujuy et permet de rallier Cabo Vírgenes, le point le plus austral de la côte Atlantique américaine, à la frontière Bolivienne. Rendue célèbre par de nombreux auteurs, la plupart des voyageurs traversant la Patagonie la parcourent mais elle reste tout de même peu fréquentée sur les tronçons quasiment pas asphaltés de ses extrêmes nord et sud.
Elle parcourt de vastes étendues, sinuant dans les steppes de Patagonie, le long des contreforts des Andes. Les paysages que l'on découvre le long de son tracé sont à couper le souffle, mais semblent parfois si hostiles qu'on en vient à se demander comment peuvent survivre les habitants des rares "estancias" que l'on aperçoit au loin et qui jalonnent notre route.
Nous parcourons les 550 km qui séparent El Bolsón de Rio Mayo sans trop de soucis puisqu'il s'agit encore de tronçons asphaltés. Après un dernier approvisionnement, nous entamons les premiers kilomètres de piste avec la nuit qui tombe lentement, nous offrant un des plus beaux couchers de soleil que nous ayons vu. Il nous reste encore un peu moins de 250 km à parcourir avant d'arriver sur les terres de la "estancia La Argentina", où nous souhaitons passer la nuit. Et l'on avance laborieusement sur cette piste de gravats, essayant tant bien que mal d'éviter de racler le monticule d'une quarantaine de centimètres de haut qui s'élève entre les deux ornières de circulation.
La nuit est déjà bien avancée lorsque nous arrivons à l'embranchement qui mène vers la "estancia La Argentina", sur les terres de laquelle se trouve la "Cueva de las Manos". On décide donc de passer la nuit à la belle étoile pas trop loin de la route, abrités du vent par la voiture. Heureusement, en automne les vents qui soufflent habituellement à plus de 70 km/h sont moins présents mais l'hiver approchant, le froid commence à bien se faire sentir et nous jouons de malchance car à peine commençait-on à s'endormir que la pluie se met à tomber. Nous n'avons d'autre solution que de nous réfugier dans la voiture pour y passer la nuit...
Au réveil, en regardant la carte, nous comprenons vite qu'il nous reste encore près de 60 kilomètres à faire avant de pouvoir admirer la fameuse "Cueva de Las Manos". Cela équivaut donc à un détour de 120 km, avec un réservoir presque vide et sans trop savoir où se trouve la prochaine station-service. Mais trop curieux de savoir de quoi il en retourne, et quitte à être venus jusqu'ici, on ira voir cette fameuse grotte inscrite au Patrimoine Culturel de l'Humanité de l'Unesco ! Et puis tant pis si l'on tombe en panne, la légendaire solidarité qui règne dans ces contrées nous ayant déjà sorti de quelques ennuis mécaniques, on sait qu'on pourra compter là-dessus même s'il faudra attendre plusieurs heures voire plusieurs jours avant de croiser quelqu'un. En effet, on n'est pas dérangés par la foule sur cette piste, surtout à cette saison de l'année quand la pluie tombe en grandes quantités et que la neige commence à pointer le bout de son nez !
Après avoir croisé de nombreux guanacos, version plus grande et élancée de leurs cousins les lamas péruviens, animaux qui adorent faire la course avec notre voiture et se défier en passant à toute vitesse devant notre pare-chocs, nous arrivons au bout du chemin, tout au bord du canyon du Rio Pinturas. C'est d'ici que l'on accède à la fameuse "grotte des mains" riche en peintures rupestres dont les plus anciennes remontent à plus de 13 000 ans. Durant plus de 9000 ans, les premiers êtres humains de la région ont représenté ici des empreintes de mains gauches en négatif qui couvrent la roche sur plusieurs centaines de mètres de long au-dessus du canyon. Protégées par la roche surplombante, les peintures sont à l'abris des intempéries et de la lumière bien qu'elles soient à l'air libre.
Ce site témoigne de la culture des plus anciennes sociétés de chasseurs-cueilleurs du sud de l'Amérique, probablement les ancêtres des premiers peuples Tehuelches de Patagonie. Nous sommes accueillis par les guides qui vivent sur place, contents de trouver encore quelques touristes curieux à cette période de l'année. Nous partageons un maté avec eux et découvrant que nous avons passé la nuit dans la voiture et que nous n'avons pas mangé, ils nous offrent même le petit déjeuner !
Après la visite, nous reprenons la route évitant tant bien que mal guanacos et ñandus (cousines des autruches africaines, plus petites mais tout aussi rapides et ridicules). Nous alternons entre grandes portions de piste et petits morceaux de route fraîchement asphaltée, puisque un grand plan du gouvernement actuel vise à moderniser la région en faisant de la piste 40 une véritable route. Nous arrivons finalement après plus de 300 km de piste, sur le fond du réservoir, dans le petit hameau de Tres Lagos. C'est ici que se situe la station service la plus importante du trajet. Rater cette halte, dans un sens comme dans l'autre, serait l'assurance d'une panne d'essence en plein milieu de la pampa ! Le village, qui compte moins de 200 âmes en pleine saison, est quasiment désert. À part le petit poste de police où somnole un agent pas très accueillant, nous découvrons le seul bistrot du village, où nous ferons la connaissance de plusieurs ouvriers, logés ici à l'occasion des travaux de modernisation effectués sur la "ruta 40". D'après eux, ce n'est vraiment pas une bonne saison pour se promener dans le coin, la neige est attendue d'un jour à l'autre et ce sera l'occasion pour eux de rentrer dans leurs familles jusqu'au printemps prochain.
Le camping du village est fermé, le seul commerce qui tourne toute l'année est la station-service située en dehors du village, à 2 km sur la route de El Chaltén. Dommage, nous avions prévu de les inviter à rejoindre "les amis des Lagos du monde", association qui a pour but de créer des liens d'amitié entre différents villages du monde nommés Lagos. Mais personne ici ne sait nous dire à qui nous adresser, et il est d'ailleurs de plus en plus difficile de trouver des locaux à qui parler. Notre enquète ne menant à rien, nous décidons cependant de parcourir les quelques rues du village, à défaut de rencontrer ses habitants, nous saurons au moins à quoi il ressemble. Battu par les vents, le petit village fondé en 1937 fait surtout office de halte et de refuge sur cette portion fort hostile de la ruta 40. Le temps semble s'y être arrêté et alors que nous parcourons ses quelques rues, nous ne croisons âme qui vive. Forcés de se rendre à l'évidence, nous ne pourrons mener à bien notre mission d'ambassadeurs à cette période de l'année, nous quittons le bourg pour aller jusqu'à la station-service YPF.
L'enseigne de la marque ayant été arrachée par le vent il y a déjà bien longtemps, l'entrée est marquée par de vieux pneus enfouis dans le sol. Le patron nous accueille chaleureusement malgré le froid ambiant. Emmitouflé dans une grosse combinaison, il se prépare pour l'arrivée de l'hiver. Nous ne resterons pas longtemps à discuter avec lui, mais suffisamment pour savoir que le pire du trajet est derrière nous. Lui qui est installé là depuis plus de 30 ans semble toujours autant apprécier de discuter avec les étrangers de passage. Comme s'il voyageait au travers des récits des gens qui ne s'arrêtent chez lui que pour mieux repartir. Alors que la pluie commence à tomber, il nous recommande de prendre la route au plus vite afin de ne pas arriver trop tard à El Chaltén, car la tempête arrive et compliquera la conduite de nuit.
Nous parcourons les 550 km qui séparent El Bolsón de Rio Mayo sans trop de soucis puisqu'il s'agit encore de tronçons asphaltés. Après un dernier approvisionnement, nous entamons les premiers kilomètres de piste avec la nuit qui tombe lentement, nous offrant un des plus beaux couchers de soleil que nous ayons vu. Il nous reste encore un peu moins de 250 km à parcourir avant d'arriver sur les terres de la "estancia La Argentina", où nous souhaitons passer la nuit. Et l'on avance laborieusement sur cette piste de gravats, essayant tant bien que mal d'éviter de racler le monticule d'une quarantaine de centimètres de haut qui s'élève entre les deux ornières de circulation.


Quel courage! La ruta 40 me semble bien difficile à emprunter et la rtégion vraiment hostile. Mais comme vous l'avez déjà dis, l'accueil des habitants est légendaire.
RépondreSupprimerEn route vers la fin du voyage.
Maman Janny